L’apparition des sites de livraisons impacte les usages urbains et le monde de la restauration. Cible numéro 1 : les millennials, friands du binge watching, du télétravail et du homing, dont 74% se fait livrer au moins occasionnellement au bureau ou à la maison. La récente crise du Covid-19 n’a fait que renforcer cette tendance forte, toutes cibles confondues cette fois. La démocratisation de la livraison crée un écosystème où tout le monde a sa place : restauration rapide, gastronomique, de niche ou ethnique. Même si certains restaurateurs décident de ne pas passer par les plateformes dédiées.
L’Histoire dit que Domino’s a inventé la livraison à domicile dans les années 60. Soixante ans plus tard, l’arrivée de concurrents comme UberEATS, Just Eat ou Deliveroo a permis d’élargir la livraison à d’autres types de nourriture. Dans les grandes villes, on assiste désormais à de véritables ballets de livreurs… parfois salariés des restaurants, chaînes ou franchises, mais le plus souvent employés par des plateformes spécialisées dans la livraison. La force de ces startups ? Leurs algorithmes et l’intelligence artificielle embarquée permettant de suivre la livraison à l’instant T. Leur nombre ne cesse d’augmenter, donnant lieu à une recomposition du marché dans lequel les agrégateurs de commande et de livraison captent de plus en plus de volume…
Cette pléiade de nouveaux challengers témoigne d’une grande diversification en restauration livrée. Le “poké bowl” (plat “healthy” aux saveurs hawaïennes) en pole position. La chaîne Pokawa s’est d’ailleurs fait connaître via les plateformes de livraison. A sa création, l’entreprise prenait les commandes et sortait un poké en 25 secondes chrono confectionné dans une petite cuisine parisienne, livré dans la foulée.
Les sites de livraison communiquent sur un service toujours plus rapide et se livrent une véritable guerre digitale, tentant d’imposer leurs règles et leurs prix aux restaurateurs. Ces derniers doivent en outre composer avec la réputation de leurs partenaires, avec leurs succès et leurs déboires
Les sites de livraison promettent entre 15 % et 30 % de chiffre d’affaires additionnel. En retour, ces plateformes touchent une commission souvent coquette : 30 % du prix total de chaque commande. Un taux de commission parfois à la tête du client… les grandes chaînes bénéficiant d’un taux plus faible que les restaurants indépendants. Un privilège qui s’applique également si l’entreprise signe un partenariat exclusif. Ou si elle se porte bien. A l’image de Pokawa, qui a choisi de travailler avec toutes les plateformes de livraison (Deliveroo, Mealpal, RestoIn, Uber Eats, Glovo…) avec des commissions négociées grâce aux volumes impressionnants de commande.
Les sites de livraison communiquent sur un service toujours plus rapide et se livrent une véritable guerre digitale, tentant d’imposer leurs règles et leurs prix aux restaurateurs. Ces derniers doivent en outre composer avec la réputation de leurs partenaires, avec leurs succès et leurs déboires. Car les coûts logistiques et marketing de ces plateformes sont énormes et plusieurs d’entre elles connaissent de graves difficultés financières.
Pour ne pas rester sur sa faim, mieux vaut donc s’allier aux bons partenaires. Evolution du panier moyen et du chiffre d’affaires, géolocalisation des clients, ciblage par tranche d’âge, habitudes de commandes, horaires préférés, verbatims des clients… les bons agrégateurs pistent le consommateur final et le suivent de près pour aider les restaurateurs à rester attractifs. Objectif : améliorer ses performances et construire des opérations marketing pour booster son chiffre d’affaires. Pour rester compétitifs il faut devancer les attentes du client : coller à un événement sportif, provoquer des “instants apéro“, suggérer une soirée d’anniversaire…
“Cloud kitchen”, “dark kitchen”, restaurants fantôme… ces différents termes recouvrent un même concept : des plats à moins de 20 euros cuisinés dans le cloud uniquement pour la livraison (que l’on appelle aussi cuisines déportées). Ce dernier–né des concepts permet de mieux répondre aux cadences effrénées des commandes en ligne. Grâce aux plateformes, tout contact physique entre le restaurant et le client disparaît. Loyer, personnel, frais généraux… les charges se réduisent et la prestation gagne en efficacité. Moyennant une commission de 30 % à chaque commande, comme pour un restaurant traditionnel. Certain restaurants fantômes sont la propriété des agrégateurs, d’autres la propriété du restaurant.
Quoiqu’il en soit, ces cuisines fantômes doivent maîtriser chaque poste de dépenses : optimisation des achats, limitation du gaspillage, bonne gestion du personnel… Veiller au respect des normes sanitaires. Et s’assurer de bénéficier d’un équipement performant, comme les bacs de mise en place, grills, fours ultra-rapides, planchas, friteuses, etc. Dark kitchen, Taster et Keatz font partie de ces restaurants “virtuels“ qui, après avoir identifié les différentes cibles, créent des marques : Saint-Burger pour les burgers, Mama Roll pour les tacos, Braise ! Braise ! pour la rôtisserie, Mission Saigon pour les plats thaï, ou GreenGurus pour les salades healthy.
Le repas prend désormais une place essentielle dans la vie sociale des entreprises. Bien décidé à tirer son épingle du jeu sur le marché de la livraison B2B, Deliveroo For Business promet des offres attractives livrées en moins de 30 minutes. Exit le plateau repas traditionnel. Place aux petits déjeuners, plats italiens, sushis premium, plats ethniques, produits du terroir, planches apéro, mixologie… Via un portail Internet dédié, les entreprises peuvent définir les budgets impartis à chaque service, les jours de commande, des interlocuteurs privilégiés en charge du projet et des factures mensuelles avec un paiement différé…
D’autres acteurs investissent ce créneau : Nestor, la start-up française qui cartonne avec son menu unique cuisiné par un chef différent chaque jour livré au bureau, ou Chefing qui fait évoluer le métier de traiteur avec des produits et des services événementiels sur-mesure loin des codes standardisés.
Tout droit venu des États-Unis, le coworking culinaire permet de partager une cuisine professionnelle à moindre frais. Ces cuisines prééquipées rassemblent plusieurs “dark kitchens” en une seule unité. Les avantages ? Pas de bail commercial onéreux, et des synergies possibles entre locataires. Les résidents ? des professionnels des métiers de bouche (restaurateurs, traiteurs, food-trucks, pâtissiers…) qui font passer toute leur activité par internet et la livraison. Le maître mot ? le partage : poste de préparation chaude et espaces de préparation froide, stockage en chambre froide positive et négative, matériel (friteuse, plancha, mixeur…), plonge et ménage, enlèvement des déchets, contrôle des nuisibles, ou formations, on vous apporte tout sur un plateau ! Reste aux utilisateurs à apporter leur petit matériel (couteaux, spatule, etc.). Seul bémol : la réservation en amont des créneaux horaires. Cuisine indienne ou “detox”, salades nomades, pâtisserie japonaise, pains spéciaux, ce “laboratoire“ permet de se lancer ou de tester des recettes. La multiplication de ces « hubs » s’est matérialisée partout en France et de manière ciblée grâce aux algorithmes des agrégateurs, moyennant une commission de 40 % sur chaque commande au lieu des traditionnels 30 % avec un restaurant traditionnel.