Fast food, bistros branchés et tables gastronomiques rivalisent d’inventivité pour dresser leurs tables.Le repas est devenu une performance holistique où chaque élément compte, contenu comme contenant.
Les marques de renom et les créateurs se sont emparés du secteur et tentent, chacun à leur manière, de réinterpréter les codes des Arts de la table. Objectif : sublimer la cuisine des chefs et rendre l’expérience client encore plus agréable. Certains designers nouent des relations fortes avec les restaurateurs, au plus près de leur personnalité et de leurs envies.
Comme la mode vestimentaire, les arts de la table fonctionnent par cycles. Les céramiques font leur retour. L’authentique et la singularité sont aujourd’hui de mise dans de nombreux restaurants. Un exercice de style pour l’artisan céramiste, mais aussi pour le restaurateur, qui doit savoir le guider. Quel équilibre entre le contenant et le contenu, quelles dimensions, quelles profondeur et inclinaison, quelles couleurs… En prime, le contenant doit répondre à des contraintes techniques comme la conservation de la chaleur, la résistance aux chocs, et présenter une bonne ergonomie (saisie facile, facilité d’entretien et de stockage).
Développer une vaisselle industrielle qui garde l’âme du potier, tel est le pari de la céramiste Marion Graux, habituée à créer des assiettes en argile sur-mesure pour les grands noms de la restauration comme Hélène Darroze ou Greg Marchand. Elle s’est ainsi associée à la Manufacture de Digoin (Saône-et-Loire) pour proposer sa vaisselle au plus grand nombre. David Toutain (2 étoiles Michelin), en quête permanente de nouveaux contenants pour sa cuisine raffinée, a développé sa propre ligne d’assiettes avec la céramiste parisienne Patricia Vieljeux. En grès, terre silico-argileuse qui vient de Saint-Amand-en-Puisaye (Nièvre), village réputé dans l’univers de la céramique. Au Rigmarole, la cheffe Jessica Yang tourne et émaille elle-même la vaisselle en céramique du restaurant dans son atelier attenant.
Les restaurateurs sont eux aussi sensibles à la cause environnementale. Avec NO.W de Revol, le changement s’opère grâce au procédé Recyclay. En 2020, sa ligne de vaisselle contribue ainsi à la préservation des ressources naturelles. On fonce sur les assiettes rectangulaires, rondes, plates ou creuses, les bols et les tasses en version brute ou émaillée. Le designer Samuel Tomatis, lui, conçoit de la vaisselle à partir de varech, des algues séchées et compressées dont l’aspect évoque le marbre, la céramique japonaise ou l’acier rouillé. Une approche marine qui séduit également Lucile Viaud, qui développe à travers sa marque Ostraco de la vaisselle à partir d’un verre marin composé de microalgues, d’algues et de poudre de coquille d’huître.
Les arts de la table se mettent à l’heure de l’écologie en proposant des tendances durables et intemporelles. Fini les achats impulsifs, les consommateurs recherchent désormais des objets respectueux de l’environnement. Et parmi les matériaux privilégiés, le bois fait son entrée remarquée. Assiettes, bols, couverts, saladiers… Il s’impose comme l’une des grandes tendances de l’année. Et pour cause, ce matériau provenant de forêts gérées de manière écologique est une ressource renouvelable et entièrement biodégradable.
Dans le domaine des arts de la table, il existe deux types courants de vaisselle. D’une part, la vaisselle brute fabriquée à partir de bois sculpté, et d’autre part, la vaisselle en bois aggloméré (généralement utilisée pour la vaisselle jetable). Du point de vue de l’écologie, il est recommandé de privilégier la première option. En ce qui concerne les essences de boisement, on retrouve notamment l’olivier, réputé pour sa durabilité et sa perméabilité, ainsi que l’acajou, le frêne, le cerisier, et bien d’autres encore. Étant donné que la vaisselle est en contact direct avec les aliments et les liquides, il est préférable d’opter pour des essences de bois dur plutôt que pour des bois résineux et tendres, qui pourraient s’user rapidement.
Contrairement aux idées reçues, cette vaisselle peut être utilisée pendant de très longues périodes tout en nécessitant un entretien minimal. En effet, ce matériau est résistant aux chutes et aux chocs, ce qui le rend moins fragile que des matériaux tels que le verre ou la porcelaine. C’est donc un choix idéal pour les personnes maladroites et les familles avec enfants. De plus, la vaisselle en bois possède un aspect intemporel qui ne se démode jamais. Noble et authentique, cela apporte du caractère et du style à la table, s’adaptant ainsi à différents styles de décoration tels que bohème, scandinave, vintage ou moderne.
Liées aux préoccupations sur le développement durable, la tendance de l’authentique fait son chemin. Les nouvelles collections se donnent des airs de fait main ajoutant, en autres, des défauts volontaires dans leurs moules de fabrication. Chez Tsé-Tsé Associées, les assiettes Affamées affichent leur caractère unique à travers des coulées. Des défauts volontaires qui se retrouvent dans les verres aux pieds légèrement tordus et les bols aux contours irréguliers…
Le wabi sabi, qui n’a de lien avec le condiment vert appelé « wasabi » que l’origine japonaise, est un art de vivre qui voit la beauté dans les imperfections. Une des techniques wabi sabi s’appelle le kintsugi. Elle consiste à réparer la vaisselle cassée avec de la poudre d’or. L’idée : au lieu de masquer une imperfection on la sublime.
Le doublement étoilé Alexandre Gauthier dans le Pas-de-Calais va plus loin en utilisant des assiettes cassées de Sylvie Himpens ! Une performance originale reflet de sa cuisine.
Les couleurs ont refait leur apparition dans les Arts de la table. Alain Ducasse a choisi des assiettes en faïence de Nevers pour ses restaurants du Japon. Des séries d’assiettes fabriquées à Nevers émaillées à la main avec de l’oxyde de cobalt, d’où ce bleu très dense appelé le bleu de Nevers. Bleues aussi les assiettes en émail craquelé du céramiste Jean-Pierre Kohut à la table du restaurant Ômer à Monaco, pour évoquer tous les tons de la Méditerranée. Chez le triplement étoilé Christopher Coutanceau, l’art de la table se pare lui aussi de cette atmosphère des profondeurs marines. La vaisselle aux teintes qui s’assombrissent au fur et à mesure du repas fait son effet. La créatrice belge Ann Demeulemeester a développé plusieurs lignes de porcelaines, de cristal et d’argenterie aux couleurs du jardin : rouge, noir, blanc et vert. Des pièces uniques peintes à la main en Chine, où cet art a été inventé.
Très peu de villes ont leur couteau. En dehors de Laguiole, Opinel, du nom de son inventeur, ou Nontron, il n’en existe pas. Du moins n’en n’entendons-nous pas parler. Pourtant de grands restaurants utilisent des couteaux d’artisans. À La Rochelle, les couteaux Farol, reconnus aux « Entreprises du Patrimoine Vivant », se retrouvent à la table des étoilés. De petites séries qui affichent des formes épurées sans poids superflu, au manche travaillé dans du bois de récupération. Dans le Tarn, Sébastien Soulier fait partie des rares couteliers en France à utiliser la technique Wootz (mélange d’acier industriel et/ou d’acier de bas fourneau avec d’autres éléments d’addition). Il imagine sans cesse de nouvelles formes, de nouveaux assemblages, des modèles inédits. Chez Chabichou, iconique établissement de Courchevel en Savoie, trônent les couteaux à viande logoté SB, côte–côte avec la nouvelle coutellerie en carbone qui a récemment remplacé celle en argent. David Toutain, encore lui, a conçu avec le coutelier Perceval : un superbe canif de table, et propose aux clients de son annexe Identi-T les couteaux de l’artisan belge Antoine Van Loocke. Les marques connues du grand public se retrouvent aussi à la table des grands. Le Lutetia à Paris, Vintry & Mercer à Londres ou l’Intercontinental à Marseille se fournissent ainsi chez la Maison Degrenne, qui excelle dans la fabrication de couteaux à manche orfèvre, un travail exigeant qui requiert près d’une vingtaine d’étapes.
Passé par les plus grandes tables étoilées en France puis au Danemark, le chef Nicolas Vahé a aussi développé une collection d’accessoires de cuisine aussi élégants que minimalistes. Leur design porte la signature épurée du style scandinave. Livrés dans un joli coffret, ses 3 couteaux en acier inoxydable et bois d’acacia permettent une découpe optimale.