Chaque jour, soixante-dix producteurs nous fournissent 20 000 litres de lait que nous transformons en fromages. Huit mille Sainte-Maure-de-Touraine, mille Pouligny-Saint-Pierre (décliné en pyramides de 250 g et 150 g), et mille bûches de chèvre cendré sous l’appellation Saint-Vincent sortent ainsi de l’usine quotidiennement.
L’atelier, qui emploie cinquante salariés, fonctionne sept jours sur sept, car le salage s’effectue deux jours après le moulage, donc un fromage moulé le vendredi doit être salé le dimanche. La fabrication débute par vingt-quatre heures de moulage et d’égouttage, et se poursuit par dix jours d’affinage à différentes températures. Un travail entièrement artisanal qui suit scrupuleusement le cahier des charges établi par le label AOP.
Démoulage, nettoyage des salles et du matériel, moulage, salage et cendrage sont les principales tâches effectuées quotidiennement.
Pour le Sainte-Maure, les équipes procèdent également au paillage, qui fait la spécificité de ce fromage. Ces pailles en seigle qui traversent de part en part chaque bûche, gravées du nom de l’appellation et du transformateur, sont fabriquées par un Établissement et Service de l’Aide au Travail (Esat) local.
Le transfert du personnel et de la production de l’usine de Pouligny (située à 10 km) présentait plusieurs avantages. La fromagerie de Tournon-Saint-Martin se trouve à cheval sur les deux zones d’AOP, le regroupement répondait donc aux critères imposés par les deux cahiers de charges. Fabriquer nos deux fromages phares sur un même site permettait par ailleurs de mutualiser les moyens et de regrouper les compétences.
Le lait est stocké dans deux cuves distinctes : une pour l’AOP Pouligny-Saint-Pierre, l’autre pour le Sainte-Maure-de-Touraine. Du point de vue de la fabrication, ils sont tous les deux travaillés manuellement du moulage à l’emballage, rien n’étant mécanisé. Tous deux sont au lait cru, affinés dix jours minimum, mais chacun répond à un cahier des charges spécifique. Bien que leurs zones géographiques soient très proches, on les distingue grâce au cendrage et la forme des moules. Ces deux produits haut de gamme et un goût différents, chacun portant la marque de son AOP. Texture dense et fondante avec des arômes caprins pour le Pouligny-Saint-Pierre, texture fine et goût de chèvre caractéristique pour le Sainte-Maure-de-Touraine. Les goûts évoluant par ailleurs en fonction des saisons et de l’affinage.
L’implication du producteur est primordiale, tant pour le soin accordé aux bêtes que pour l’alimentation et le respect des normes d’hygiène… La transformation du lait cru ne doit pas dépasser 48h après la traite, nous le travaillons donc le jour de la réception. Entre l’emprésurage et le conditionnement, on surveille le produit avec la plus grande attention. Pendant dix jours, on touche, on évalue la souplesse du fromage et son humidité, on veille au bon développement de la flore tout au long de l’affinage.
Comme nous sommes dans l’agroalimentaire et que nous travaillons du lait cru, les règles sanitaires ont eu peu d’incidence sur le fonctionnement de l’atelier, soumis en permanence à un cahier des charges draconien, dans des conditions d’hygiène optimales. Le port du masque était déjà de rigueur. Il y a simplement eu un renforcement avec la mise en place de protections supplémentaires pour respecter la distanciation.
Côté ventes, globalement la fermeture Pouligny 250 g, distribué dans les rayons à la coupe, fonctionne très peu en période de confinement, mais le manque à gagner est compensé par la demande en libre-service. Les volumes ne sont donc pas vraiment impactés.
Nous avons en effet un magasin d’usine où nous vendons l’ensemble des produits Eurial, même si nous privilégions les deux AOP que nous produisons. La majeure partie de la clientèle est très locale, mais les touristes de passage repartent tous avec nos fromages. En ce moment nous accueillons bien entendu le public dans les meilleures conditions d’hygiène et de sécurité : désinfection des mains, port du masque et distanciation sont respectés.
*Alexandre Deloge reprend les rênes de l’usine de Tournon-Saint-Martin dès novembre 2020