On dit même que le vin rouge va bien avec le fromage. Ce qui pour moi est une erreur. Autrefois on buvait de la « piquette », un « vin » rouge très clair dénué de tanins, ou du moins très peu tannique, à la couleur claire, titrant à peine 7/8° d’alcool.Ce vin obtenu par passage de l’eau sur le marc de raisin avant le pressurage accompagnait le repas, charcuterie, viande, poisson, potage et fromage. Il faisait montre d’une vraie polyvalence.
On a perpétué cette tradition, alors que les vins rouges d’aujourd’hui n’ont plus grand chose à voir avec la « piquette » : macération longue, couleur plus soutenue, tanins plus fermes, titre alcoolique plus élevé, structure plus imposante. Et le constat en goûtant à l’aveugle est édifiant : un bon vin rouge devient mauvais avec le fromage. C’est chimique. La solution ? Le vin blanc, qui se marie parfaitement avec les fromages, si tant est qu’on sache les accorder.
Il existe même certains vins qui n’aiment pas le fromage. Ou plutôt certains fromages qui n’aiment pas le vin. Le camembert, le livarot, le Maroilles, le Brie… qui ont un point commun : ils sont fabriqués dans des régions qui n’ont pas de vignobles. En toute logique, on accompagnera le Pont Lévêque, le camembert ou le livarot avec du cidre. Et le Maroilles avec une bonne bière d’abbaye.
Rien n’est obligatoire, mais c’est la meilleure idée qui soit ! Les accords géographiques ne sont pas un hasard. Un accord parfait se résume souvent à un vin et un fromage d’une même région. Car il est tout naturel de marier le fromage qui en est issu du vin voisin. Le pâturage broutant l’herbe qui pousse sur la même terre que la vigne avoisinante… Ainsi, à vin de Savoie, fromage de Savoie, fromage basque à vin basque.
Bleus d’Auvergne, Fourme d’Ambert, Gorgonzola… sont des fromages salés. En toute logique, on les associe à un vin sucré pour jouer l’opposition. Sauternes, Monbazillac, Banyuls… des vins de vendanges tardives qui murissent plus longtemps, dont la pourriture noble va créer un lien avec la moisissure des fromages issue de l’humidité des caves. Idéalement on choisit un vin que l’on peut également servir avec le dessert.
Un Chablis est idéal sur le Chaource. Ce fromage est assez remarquable à mon goût, avec sa croûte d’aspect duveteuse finement amère et saline. Cultivé dans une aire restreinte aux confins de l’Aube et de l’Yonne caractérisée par un climat relativement frais et humide et des sols d’argiles et de calcaires propices aux pâturages, il s’accorde à merveille à la fine salinité impulsée par le sol si particulier du vignoble chablisien.
Avec un Brillat-savarin, pourquoi pas les bulles d’un champagne de quelques années de cave, qui s’opposent à la texture crémeuse du fromage. Dans la catégorie des fromages à pâte molle et à croûte fleurie, le Saint-Félicien et le Saint-Marcellin, historiquement fabriqués à base de lait de chèvre, peuvent également s’accorder avec des vins effervescents, voire un crémant ou une clairette de Die.
Les fromages à pâte pressée cuite se marient très bien avec des vins blancs gras, aux notes de noisette et de beurre, marqués par une touche d’élevage en fûts. Un Comté avec un vin jaune du Jura par exemple. On choisira des blancs plus ou moins vifs et évolués selon l’affinage.
L’exercice n’est pas aisé. Le goût, la texture, le lait (de vache, de chèvre, de brebis), l’affinage n’ont rien à voir entre un Bleu, un Munster et un chèvre par exemple. On choisit un vin consensuel comme un Pinot Gris d’Alsace, mais pas trop doux, qui conviendra aussi bien avec des fromages légers et frais (comme des chèvres) qu’avec des plus affinés, plus riches en sel (comme des tommes, un Munster, etc.). On peut aussi tabler sur un accord parfait avec l’un des fromages, même s’il va moins bien avec les autres. Un Gewurztraminerpar exemple, parfait pour le Munster, se mariera quand même avec le chèvre.